Astres et phénomènes à portée de l’hypertélescope
À l’instar des télescopes traditionnels, les hypertélescopes devront fournir des images directes d’objets astrophysiques très divers. Mais, alors que la résolution du miroir de 2,4 m du télescope spatial Hubble est de 40 millisecondes, celle de l’hypertélescope de l’Ubaye devrait atteindre en lumière jaune 2 millisecondes d’arc pour sa version avec méta-ouverture de 57 m et 0,5 milliseconde pour la version agrandie à 200 m, tandis que celle de ELHyT devrait être de l’ordre de 0,1 milliseconde. Quant à la résolution des versions spatiales de 100 ou 100 000 km envisagées ultérieurement, elle devrait être de l’ordre des micro- ou nano-secondes.
La dimension angulaire maximale λ/s des sources dont l’imagerie directe est rendue possible avec un hypertélescope est en principe limitée en lumière jaune à environ 20 millisecondes d’arc pour une configuration avec miroirs espacés de 5 m. Toutefois l’efficacité des méthodes de déconvolution d’image récemment développées par C. Aime, D. Mary et P. Nunez permet de s’affranchir de cette limitation et par conséquent d’atteindre des dimensions angulaires supérieures à 20 millisecondes. Deviennent ainsi accessibles à l’imagerie directe les étoiles supergéantes les plus grosses et les plus proches, telles que Bételgeuse. Dans le cas d’amas dont les étoiles sont espacées de λ/d ou plus – soit au moins 100 millisecondes –, un hypertélescope peut, à l’aide d’un découpeur de champ couvrant quelques secondes d’arc, fournir des images simultanées de tout l’amas. Chacune des images couvrant l’amas peut avantageusement être obtenue avec une caméra "hyperspectrale", c’est à dire fournissant un spectre de chaque élément résolu ou resel.
Pratiquée depuis presque un siècle sur le Soleil, cette méthode permettra donc d’obtenir pour les étoiles proches des observations concernant leur couronne, leur chromosphère, leur photosphère et même, via les techniques dites d’astéro-sismologie, leur structure interne.
Les interféromètres existants – qui ne disposent que d’un faible nombre d’ouvertures – commencent à produire des images reconstruites obtenues à partir d’observations répétées dans le temps. Grâce au grand nombre de ses ouvertures, l’hypertélescope produit au contraire une imagerie directe instantanée – ce qui rend possible l’étude de phénomènes stellaires à évolution rapide. De plus la concentration de lumière dans le pic d’interférence permet d’accroître la sensibilité en termes de magnitude limite.
Magnitude limite de l’hypertélescope
La magnitude limite accessible avec un hypertélescope est identique à celle qu’aurait un télescope monobloc de même surface collectrice que la méta-ouverture de l’hypertélescope. À noter que pour l’un et l’autre instrument, la magnitude limite théorique n’est accessible que si la technique d’optique adaptative est mise en œuvre pour la mise en phase, ce qui nécessite l’installation d’une étoile guide laser (nécessité sans objet dans le cas d’un instrument spatial). Comme les interféromètres terrestres actuels ne disposent pas d’étoile guide laser, le gain en sensibilité d’un hypertélescope avec étoile guide laser est supérieur au gain résultant simplement de l’imagerie directe.
Imagerie directe et objectifs scientifiques : exemples
Exo-planètes
- exo-planètes connues afin de détecter à leur surface des changements de couleur ou spectroscopiques suggérant des variations saisonnières
- recherche d’exo-planètes autour d’étoiles plus éloignées du Soleil que les exo-planètes connues
- recherche d’exo-planètes plus proches de leur étoile que celles détectées par d’autres moyens
- transits d’exo-planètes apparaissant sur l’image résolue de leur étoile mère
Étoiles
- structure de disques protoplanétaires en vue de préciser les conditions de formation des exo-planètes (Benisty & al. 2010)
- surface d’étoiles proches pour y détecter des phénomènes analogues aux taches et éruptions solaires
- surface d’étoiles chimiquement particulières (CP stars) pour résoudre les taches dues à des inhomogénéités chimiques
- étoiles à neutron telles que le pulsar du Crabe (en principe résolvable avec une méta-ouverture de 100 000 km réalisable dans l’espace)
- rémanence optique des sursauts gamma, observables aussi dans les galaxies extérieures
Galaxies
- noyaux actifs de galaxie, et notamment de la Voie Lactée, tout indiqué pour les hypertélescopes, et déjà abordé par les interféromètres qui y confirment la présence d’un trou noir géant
- amas de galaxies
- lentilles gravitationnelles
- galaxies plus lointaines que celles observées avec le télescope Hubble, donnant par conséquent accès à un Univers encore plus jeune